mercredi 7 mai 2014

The Amazing Spider-Man 2 : Boulimie arachnide [Critique]

Deux ans après un reboot plus que correct, Marc Webb revient derrière la caméra pour nous conter le deuxième chapitre des aventures de l’Homme-Araignée. Mais après un battage publicitaire tapageur à souhait tant et si bien que la moitié du film devait être visible dans la quinzaine de trailers (sans dec’, j’ai compté), les rumeurs de producteurs ayant eu la main mise sur un montage catastrophique et l’une des plus grandes campagnes d’anti-promotion de la part de la critique de l’histoire des comic-book movies, qu’en est-il réellement ?



Il faut admettre que j’avais quand même très peur avant d’aller au cinéma. Déjà j’ai eu la chance de passer à côté de la promotion vidéo du film, ce qui n’a pas été une tâche facile devant le flot de trailers balancés par un Sony qui cherche à renflouer les caisses grâce à une grosse valeur sûre, j’ai pu donc me préserver la surprise quasi-totale du film en salle, ce qui semble vous en conviendrez être une bonne chose. Mais les retours de la presse et d’une partie des spectateurs annonçaient un film désastreux et mercantile, sclérosé par une production toute-puissante qui aurait décidé d’un horrible final cut servant plus à vendre l’univers étendu et les produits dérivés en livrant un film aseptisé, d’autant plus qu’il subit une rude concurrence dans les domaines de l’adaptation super-héroïques et du blockbuster (Captain America, X-Men, Jupiter Ascending,  Guardians, La Planète des Singes, InterstellarEdge of Tomorrow et surtout Godzilla…), autant vous dire que j’y allais un peu à reculons, malgré la confiance dans le travail de Webb illustrant comme personne la comédie romantique (500 Jours Ensemble) et dont le talent avait déjà servi un premier épisode surprenant. Grand mal m’a pris, malgré des défauts palpables The Amazing Spider-Man 2 répond à mes espérances concernant un film sur le tisseur.

D’entrée, on nous sort le grand jeu. Passé une introduction sur les parents Parker dont on admettra volontiers qu’elle est bien foirée, on entre dans le vif du sujet : incroyables envolées new-yorkaises bourrées de bonnes idées pour suivre au mieux les acrobaties de Spider-Man, moments héroïques en poursuivant un camion d’isotopes volés, plein usage des pouvoirs du héros, effets spéciaux renversants, humour typique du monte-en-l’air, recontextualisation des évenements, caractérisation des personnages et bande-son soignée. En dix minutes, tout y est. Des frissons m’envahissent à l’idée d’avoir, enfin, l’adaptation rêvée de Spider-Man au cinéma. Et globalement, la première partie du film, allant jusqu’à la fin de la première bataille avec Electro suit cette ligne directive et s’avère aussi plaisante que rafraîchissante. C’est par la suite que le bât blesse, car à force de gourmandise, on finit par se boucher les artères.



En effet, les sous-intrigues se suivent, s’entremêlent, mais tardent et peinent souvent à se développer. A terme, on aboutit à un arc final grandiose, mais la confusion règne sur la deuxième partie du film qui trop souvent, donne l’exemple de ce qu’est un tunnel explicatif. Certains passages mériteraient d’être plus développés (la relation triangulaire Peter/Harry/Spider-Man, les motivations d’Electro), quand d’autres pourraient tout simplement être enlevés qu’elles ne changeraient rien au film (l’intrigue des parents, aussi ridicule qu’inutile). C’est là qu’on ressent vraiment le malaise procuré par un montage maladroit plus dicté par Sony que par le réalisateur qui a dû subir les décisions venant d’en haut quant au déroulement que devait avoir son film. Si le scénario, pris indépendamment, est dans son ensemble plutôt palpitant, son exécution est parfois pénible, d’autant plus quand on prend certains raccourcis qui auraient pu être évités pour mettre en avant des éléments dont foncièrement on se branle. Aussi, il semble que Sony a sabré de bonnes parties de ce qu’avait prévus Webb pour ses personnages, on s’en rend compte notamment à l’intérieur du film lors de raccord faits à la hache, mais aussi en dehors quand, à l’instar du premier opus, de nombreuses scènes teasés dans les trailers, les images promos, ou les interviews sont complètement passé à la trappe du montage final. Sony prend le modèle de Marvel Studios mais, pris de peur de la vision qu’insère Webb dans son film, l’atténue et y implante des éléments pour les suites et spin-off (rappelons que Sinister Six et Venom sont en développement), voir complètement bricolés pour faire joli (le métro secret et la séquence des avions, sérieux) laissant par là-même en suspend des intrigues dont l’équipe du film semblaient pourtant vouloir apporter une conclusion. Il serait de bon ton de laisser respirer la réalisation du film, d’autant plus que l’on sent qu’elle cherche à nous amener vers une certaine vision du personnage et de son univers malheureusement en partie étouffée par un montage trop hasardeux. Mais malgré cela, les scènes sont souvent très bien réalisées mais il est parfois difficile d’enlever cette impression qu’il manque des bouts et qu’on a rafistolé derrière.



Pour autant, le film malgré ses carences de production, possèdent un paquet de qualités et de bonnes idées qui sauvent son ensemble. Les scènes d’actions sont véritablement spectaculaires et on prend un plaisir dingue à les suivre. D’autant plus que le film installe tout de même un certain nombre d’enjeu et que l’on arrive à s’inquiéter des personnages. Le passage de Time Square reste l’un des moments forts du film, malgré certains aspects bancales, mais l’utilisation d’un Electro qui surclasse le héros et le met en difficulté permet des séquences fortes de doute pour les deux personnages, sublimée par une très belle photographie à l'image du premier opus. Hans Zimmer à la bande-son se sert de ces scènes pour s’écarter de ses sentiers battus et instaure un climat original par son utilisation de voix sourdes permettant de rendre compte de la folie grandissante de l’instable Max Dillon, et de lourdes sonorités éléctro (ahah) pour rendre compte de la puissance du vilain éponyme, expérimentant même sur certaines scènes d’actions où la musique répond directement à ce qu’il se passe à l’écran. Cette performance ne plaira sûrement pas à tous, moi elle m’a surpris et je la considère comme un atout. La fin du film permettra un déferlement d’effets visuels sublimés par leur maîtrise sans faille dans la dernière baston avec Electro, qui sert ensuite de tremplin pour la vraie conclusion du film avec l’arrivée du Bouffon Vert nouvelle génération et un combat aussi court que viscéral et intense, aboutissant sur l’une des passages les plus attendus et pourtant qui arrive à nous surprendre par une gestion sans faille de la tension régnant sur cette scène, et sa réalisation laisse sans voix. Webb, en l’espace de quelques secondes, manie avec finesse tout un tas d’émotion et sa mise en scène se révèle pleinement sur ce passage dont la magnificence et la tragédie marquera durablement les esprits.



Tout au long nous suivons la romance entre Gwen Stacy et Peter Parker et malgré les apparences, c’est cette intrigue qui sert de fil conducteur au récit. Webb peut ainsi injecter tout son savoir-faire pour nous livrer des instants de fraîcheur bienvenue, respirant la sincérité et l’amour des protagonistes. En cela ne sont pas étrangers les deux acteurs Andrew Garfield et Emma Stone qui portent littéralement le film vers des cimes rarement atteintes par le genre, et c’est là probablement la meilleure idée de ce The Amazing Spider-Man 2, et ce en quoi il se différencie du reste des films à grand spectacle, en apportant cette touche de romance parfaitement dosée, complètement véritable grâce à une maîtrise des dialogues d’orfèvre et une alchimie entre les personnages. Plus encore, les relations humaines sont véritablement au cœur du film et c’est cela qui lui donne sa force. Mais pour cela il faut des acteurs qui permettent d’offrir un jeu tout en nuances, et il faut dire que Webb sait s’entourer, ainsi qu’une écriture des personnages intelligente qui permet de leur rendre justice. Garfield s’illustre par là comme l’un des meilleurs choix d’acteur pour un comic-book movie et incarne parfaitement un Peter Parker adolescent passant régulièrement de l’insouciance au doute, malgré quelques passages où il en fait des caisses. Répond le personnage d’Harry Osborn interprété par un Dane DeHann (Chronicle) magnétique, tout en contraste et en jeu de manipulation. L’autre méchant, Electro/Max Dillon, laisse le champ libre à un Jamie Foxx cabotinant à la limite de l’excès, mais ses séquences sont plaisantes et il devient électrique (ahah) après sa transformation, malgré son écriture un peu à la serpe. On passera rapidement sur un Paul Giamatti en Rhino vraiment pas convaincant dans son jeu du plus ridicule vilain de l’histoire. Enfin Emma Stone joue une Gwen Stacy parfaite dans son rôle autant de soutien aux héros, que pro-active dans les événements, nous permettant d’assister à l’évolution subtile de son personnage.



The Amazing Spider-Man 2 subit clairement les errements d’un studio souhaitant capitaliser sur sa licence, et cela se ressent viscéralement sur le produit final qui se révèle bien inégal. Pour autant, ses qualités nous font oublier ses erreurs, le film naviguant constamment sur la ligne subtile entre respect de l’œuvre originale et trahison sans jamais tomber d’un côté ou de l’autre, insérant des idées d’écritures rafraîchissantes en développant ses personnages et la romance primordiale au film tout en soignant ses scènes d’actions impressionnantes, le résultat étant probablement la meilleure incarnation de l’Homme-Araignée sur grand écran. L’entreprise de Marc Webb se révèle donc certes gangrénée, mais garde tout de sa fraîcheur et de sa sincérité.

Note finale : 4/5



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