Il y a vingt ans, les dinosaures
revenaient sur Terre. Du moins c'est ce qu'essayait de nous faire
croire Steven Spielberg et son Jurassic Park, qui aura marqué à
tout jamais l'histoire du cinéma et tous ceux qui ont eu la chance
de le voir. Il y a vingt ans, c'était aussi l'année de ma naissance
et quelques années plus tard, celle de la découverte du film qui a
marqué toute mon enfance. Aujourd'hui il s'occtroit une ressortie
dans les salles obscures, avec la mode de la réactualisation 3D pour
ramener un peu plus de brouzoufs dans les caisses et faire découvrir
ou redécouvrir le film qui aura fait rêver toute une génération.
Si son statut de film culte n'est plus à démontrer, on peut se
demander si la 3D apporte une réel plus à l'expérience, si
l'émerveillement est toujours présent après les multiples
visionnages, et surtout s'il n'accuse pas son âge.
Et il est impressionnant de constater
que non, le parc jurassique n'a pas pris une ride et tient aisément
la comparaison en terme d'effets spéciaux face aux blockbusters les
plus récents, d'autant plus incroyable qu'il est le précurseur en
la matière, le premier film à offrir une telle maestria visuelle.
C'est simple, sans le savoir, il semble impossible de deviner qu'il
ne s'agit pas d'un film de 2013 (hormis quelques détails aujourd'hui
involontairement drôles, à l'instar de Lex qui s'exclame « Ouah,
c'est un CD-Rom interactif ! ») tant le T-Rex et autres
sauriens mettent à genoux n'importe quelle voiture anthropomorphique
ou super-héros. Mais si la modernité du film tient sur l'avance
fulgurante dont bénéficiait ILM en matière d'effets spéciaux en
1993, c'est l'intemporalité de la mise en scène de Steven Spielberg
qui frappe, aussi bien dans le grand spectacle que dans l'intimité.
Le film mêle en effet habilement
l'action et la terreur la plus profonde avec le développement des
personnages et de l'intrigue. Basée librement sur le roman de feu
Michael Crichton (un chef d'oeuvre lui aussi, différent et
complémentaire au film), l'histoire nous amène au sein du parc en
compagnie d'un groupe de visiteurs censés l'avaliser, avant que tout
ne tourne au drame lorsque les animaux s'échappent. La première
partie met en place l'intrigue et les personnages, ainsi le propos du
film tournera premièrement autour des problèmes d'éthique que pose
le clonage d'êtres vivants disparus, ainsi que la découverte de
l'île et ses habitants. Chacun des personnages est caractérisé et
possède sa propre personnalité, tout en faisant tous figures
d'hommes et de femmes de tous les jours, de fait l'identification
s'en retrouve facilitée, et les dialogues sont des pépites,
regorgeant de répliques cultes (le fameux « j'en ai marre
d'avoir toujours raison » de Ian Malcolm, et bien d'autres).
L'accent est donc mis sur les interactions entre les personnages et
leurs divergences de point de vue, et la façon dont ils vont réagir
de manière profondément humaine, face aux situations
extraordinaires auxquels ils seront confrontés et les vies qui seront
en jeux, à ce titre le meilleur exemple reste celui du dialogue
entre John Hammond, le créateur du parc, et Elie Satler, une
paléobotaniste, après que les évènements aient commencé à mal
tourner, ce premier exprimant avec émotion ses motivations à la
création du parc. C'est typiquement ça, la force des figurants du
cinéma de Spielberg : en faire des personnages humains, proches
du spectateur, aux motivations et réactions touchantes. Quand au
film, sa structure en deux temps allant crescendo montre tout le
génie de son réalisateur, qui injecte au film tout son art de la
mise en scène dans des scènes d'anthologie.
Mais bien sûr, la principale
attraction du film, repose sur les dinosaures ! Confondants de
réalisme, le travail abattu par les équipes d'ILM et du regretté
Stan Winston reste toujours impressionnant et force le respect même
vingt ans après, mais tout ceci ne servirait à rien sans encore une
fois la mise en scène du cinéaste surdoué, qui crée selon ses
envies l'émerveillement et la peur. Tout au long du film il naviguera
dans tout un panel d'émotions, et chaque séquence est resté et
restera durablement dans les mémoires par les sentiments qu'ils font
naître chez le spectateur. Comment rester indifférent à la
première apparition du majestueux Brachiosaure ? Ou ne pas
sentir la pitié face au poignant Tricératops, ou l'émotion de la naissance du Vélociraptor ? Et même, ne
pas se retrouver pétri l'effroi devant les Raptors et la fameuse scène de
la cuisine ? Tous ces moments sont de véritables merveilles, le
meilleur de ce que le cinéma a à offrir, et c'est cela que fait
Steven Spielberg dans son Jurassic Park : donner une vraie leçon
de cinéma en nous émerveillant et en parlant à l'enfant en chacun
de nous. A cela, la magnifique bande-son de John Williams apporte
toute sa puissance au film, et celle-ci demeurera comme l'une des
plus belles de ses productions tant la symbiose entre l'image et le
son sublime l'ensemble, à l'instar de l'arrivée sur l'île en
hélicoptère. Pourtant, elle sait se rendre sourde pour l'un des
passages les plus impressionnants et mémorables du cinéma :
l'attaque du Tyrannosaure sur les jeeps. C'est ici que la vision sur
grand écran prend tout son sens, on reste bouche bée devant le
terrifiant dinosaure dont les cris résonnent dans toute la salle, et
enfin la 3D (la meilleure que j'ai pu voir jusqu'ici) a une
quelconque utilité, et la présence oppressante du Rex se ressent
au cinéma comme jamais auparavant, donnant toute son utilité au
déplacement en salle pour une expérience incomparable et inégalée.
Et par la suite, c'est une heure de grand spectacle qui s'offre à
nos yeux, Spielberg s'illustre comme un maître en rendant
jubilatoire chaque cadrage, chaque mouvement de caméra qui mettent
en valeur les personnages, les évènements et les dinosaures. Et
encore une fois, vingt ans après et des dizaines de visionnages plus
tard, la magie est toujours là, et on se surprend à vivre au rythme
des émotions que nous donne le film comme la première fois. C'est
ça, l'art de Steven Spielberg.
Jurassic Park passe la 3D et le XXIème
siècle avec brio, redécouvrir ce chef d'oeuvre au cinéma était le
plus beau des cadeaux pour le vingtième anniversaire. L'expérience
du grand écran et de la 3D donnent toute la mesure de la grandeur du
film. Spielberg a écrit l'histoire du cinéma avec ce qui restera à
mes yeux, et ce pour l'éternité, le plus grand film de tous les
temps.