« Nothin's been the same since
New York », c'est sur ces mots que s'ouvrait le premier trailer
d'Iron Man 3, cet hiver. En effet, après le claque Avengers
l'an dernier, il semblait logique pour Marvel Studios de devoir
réfléchir sur sa façon de faire du film à grand spectacle. Les
personnages sont aujourd'hui bien implantés dans l'inconscient
collectif grâce aux film de la Phase 1, et notamment Iron Man qui a
vu sa popularité grimper en flèche ces dernières années, et
Avengers fut l'aboutissement de ces années de travail, en a résulté
un rêve éveillé qui a su convaincre aussi bien le grand public que
les fans hardcores. Que faire donc maintenant que l'effet de surprise
est passé, et surtout comment prendre la succession d'un film qui a
su autant créer l'évènement ? C'est le défi qu'a essayé de
relever Shane Black et son Iron Man 3, et le moins que l'on puisse
dire, c'est que Marvel a su revoir sa copie.
Robert Downey Jr, armures, action,
humour, high-tech et rock'n roll. La recette est maintenant bien
connue, elle a été d'abord employée sur un premier épisode en
2008 qui a surpris tout le monde a sa sortie tant l'alchimie entre
tous ces éléments fonctionnait à merveille. S'en est suivi deux
ans plus tard le deuxième épisode qui appliquait le même cahier
des charges en rajoutant une couche, pour le résultat mitigé que
l'on connait (surtout dû à un scénario minable et un méchant raté
cela dit), puis Avengers a montré que le personnage marchait
pourtant toujours aussi bien s'il est bien dirigé. Le risque de la
surdose représentait donc une véritable épée de Damoclès planant
au dessus d'Iron Man 3, et la première chose qui saute aux yeux à
la vision du film, c'est la manière qu'à eu Shane Black (Kiss Kiss
Bang Bang et l'Arme Fatale, c'est lui), de casser les codes des
précédents films pour mieux en tirer la moelle du personnage et
ainsi renouveler la franchise.
Bien sûr, les habitués se trouveront
toujours en territoire connu, Tony Stark est toujours aussi drôle et
cynique, Downey Jr habite véritablement son personnage si bien que
l'on aurait du mal à imaginer quelqu'un d'autre dans la peau du
milliardaire philanthrope (non sérieux, c'est le meilleur choix de
casting pour un film de super-héros depuis... Toujours ?), Iron Man toujours aussi cool,
Gwyneth Paltrow toujours aussi belle, etc. Mais Black creuse tout au
long de son film ses personnages, leur révélant de nouvelles
facettes jusque là suggérées ou inconnues. Tony est donc perturbé,
sujet à des crises d'angoisses, son couple avec Pepper Pots bat de
l'aile, là où il était présenté comme auto-destructeur jusque
là, il devient ici quasiment paranoïaque et devra faire face à ses
peurs les plus profondes. Le personnage est aussi bien écrit qu'il
est magistralement joué (bien sûr, la VO est de rigueur pour
apprécier les acteurs au mieux), d'autant plus qu'il n'est pas le
seul dans ce cas. Paltrow n'est plus la faire-valoir d'auparavant et
impose ici son caractère aussi élégant que fort. Mais il ne sont
pas en reste, et c'est surtout les nouveaux personnages, ainsi que
les anciens laissés pour compte, qui vont créer la surprise. Don
Cheadle prend enfin de la substance ici, là où il était inexistant
dans Iron Man 2, et tient même la réplique face à Robert, les deux
s'envoyant des vannes perpétuelles, les vilains du film sont quand à
eux parfaits dans leurs rôles, et si Guy Pearce joue excellemment son
rôle inquiétant et presque pervers, c'est l'angoissant Ben Kingsley
en Mandarin qui tire la couverture à lui tant son jeu est parfait
dans tous les registres... Enfin Happy Hogan (joué par Jon Favreau,
réalisateur des deux premiers films) possède étonnement plus de
place à l'écran, et va même jusqu'à briser le quatrième mur dans
des dialogues savoureux en début de film, en arguant que les trucs
d'extra-terrestres, ce n'était pas pour lui.
Et visiblement, ce n'est pas pour Shane
Black non plus. Le réalisateur impose sa patte au film, d'abord par
son travail sur les personnages comme je l'ai dit précédemment , et ses
dialogues ficelés qui rendraient presque jaloux Joss Whedon, mais
surtout par la richesse de sa narration et de son scénario. Si la
menace est enfin d'ampleur (contrairement à Iron Man 2), il prend
son spectateur à contre-pied en offrant un récit intimiste, centré
donc sur l'intériorité et les émotions de ses personnages, sur
fond d'un véritable thriller super-héroïque bourré de
retournements de situation (le twist de milieu du film est une vraie
perle, et impossible de le deviner avant), sans jamais que l'une de
ces deux facettes ne prenne le pas sur l'autre. Si bien entendu, nous
ne sommes pas face à un polar digne des plus grands du genre, à une
œuvre d'une grande intensité psychologique, ou encore que le film
n'est pas aussi profond que ne l'était The Dark Knight et les autres
productions de Nolan et qu'il serait absurde de comparer Iron Man 3
aux ténors du film noir ou psychologique, il est indéniable que
Black reprend une partie des codes pour surprendre un spectateur qui
s''attendait probablement plus à un Avengers-like. Ainsi le
troisième opus de Tête-de-fer marie le spectacle grand format qui
en fout plein la gueule à une intrigue accessible mais réfléchie
qui ne prend pas son public pour un con. On prend donc plaisir à
assister à un récit riche et bien ficelé qui alternera tout du
long passages grandioses et séquences plus personnelles, permettant
s'il en est au film de super-héros de dépasser une fois de plus son
statut de simple blockbuster (ce que n'arrive pas Avengers, malgré
tout l'amour que je lui porte) par son scénario plutôt malin et ses
acteurs hors normes, tout en gardant son aspect très grand public, à même de séduire toute sorte de spectateurs (sauf les lecteurs des Cahiers du Cinéma, mais bon), ainsi que l'humour qui fait maintenant partie de la marque de fabrique d'Iron Man au cinéma.
Cela dit, on en a pour son argent en
allant voir cet Iron Man 3, et le film parvient même à recréer
l'exploit d'Avengers avec des passages absolument jubilatoires pour
tout fan qui se respecte (la fin... Mais quelle fin !!). On en prend
plein la vue durant des bastons absolument sublimes, les scènes
d'action sont longues et bien dirigées, permettant de ne pas
s'ennuyer une seule seconde et de vibrer aux rythme des protagonistes
et d'un Iron Man voguant d'armures en armures. D'ailleurs encore une
fois, on sent que Marvel Studios a appris de ses erreurs, mais aussi
de ce qu'il se passe à côté, puisque à l'inverse des deux
premiers, les combats sont fluides et bien orchestrés, le rythme
global du film en sort grandi, mais c'est surtout le travail de mise
en scène et de photographie qui étonne. Entre la sobriété et la
grandiloquence, Shane Black injecte dans son film une bonne dose de
beauté visuelle, et ce de manière totalement naturelle puisque en
écho avec ce que nous raconte le film, et les divers cadrages sont
souvent judicieusement choisis, plutôt impressionnants et privilégiant
les plans rapprochés sur les personnages ou les ensembles en
travelling sur l'action sans céder à la facilité du séquençage
abusif, permettant donc de mieux profiter des superbes plans qu'a à
nous offrir le film. Les inspirations aux comics sont d'ailleurs
palpables et ceux sans user de l'artifice du clin d'oeil insistant.
On retrouve donc beaucoup du travail de Warren Ellis sur Extremis, et
sur l'usage de la technologie, mais on y voit aussi du Michelinie
dans le traitement interne du héros, ses doutes et ses failles, sans
compter certaines scènes d'action qui semblent tirées des pages de
la BD, et du design de certaines armures qui rappellera d'anciennes
gloires de la garde-robe de Tony Stark. Iron Man 3 se place, encore
plus que les deux premiers opus, comme un véritable hommage aux
comics qui l'ont engendré, comme une belle lettre d'amour au
personnage. On pourra cependant regretter au final que l'aspect rock'n roll a été délaissé (déjà qu'il était atténué dans Iron Man 2)au profit d'une bande-son moins original, inspirée d'Avengers (pourtant, je suis sûr que du Black Sabbath, ça aurait buté dans le film), mais surtout l'intrigue
n'implique pas le reste de l'univers cinématographique de Marvel et
malgré l'ampleur que représente la menace au cours du film, ses
conséquences sembleront au final dérisoires. Là où Marvel Studios
nous présentaient en grande pompe sa phase deux qui verrait arriver
les Guardians of the Galaxy, Thanos, lorgnant sérieusement vers le
cosmique, Iron Man 3 semble être au pire une transition caduque vers
la suite du cinematic universe, et ce n'est pas la scène
post-générique, qui malgré ses qualités humoristiques, me fera
dire le contraire. Me concernant, je préfère le voir comme le
bouquet final de la phase 1, comme le montre les changements de la
fin du film pour le personnage qui a mis en place cet univers,
bouclant ainsi la boucle lancée par le premier Iron Man il y a cinq
ans déjà.
Iron Man 3 tire un trait sur le passé
en faisant évoluer les personnages et en donnant un divertissement
intéressant, réfléchi et généreux, s'imposant donc, si ce n'est
le plus plaisant (la branlée d'Avengers ne se reproduira pas de
sitôt), comme le film le plus abouti de Marvel Studios.